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Archive pour le 21 novembre, 2008

Le changement du régime est une question de vie ou de mort pour le pays

Posté : 21 novembre, 2008 @ 5:24 dans Non classé | Pas de commentaires »

  

Sid Ahmed Ghozali  

  

  

Sid Ahmed Ghozali. Ancien chef de gouvernement et président du Front démocratique

« Le changement du régime est une question de vie ou de mort pour le pays »

Ancien chef de gouvernement, Sid Ahmed Ghozali s’exprime dans cet entretien sur la révision de la Constitution, la prochaine élection présidentielle mais aussi sur la gestion des affaires économiques du pays. Selon lui, l’Algérie est le seul pays au monde où le budget de l’Etat est financé avec l’argent du pétrole. L’homme au papillon dénonce la fermeture du champ politique et préconise une révolution tranquille pour changer radicalement le régime qui bloque le pays. Saïd Rabia

- Le projet de révision de la Constitution a été adopté par le Parlement ; l’élection présidentielle d’avril 2009 s’annonce fermée. Etes-vous de ceux qui pensent qu’il y a toujours moyen d’imposer une alternative ?

- La révision constitutionnelle devrait être, dans la vie de toute nation, un événement très important parce qu’il s’agit de la Loi fondamentale. Malheureusement, chez nous, comme vous le constatez, on en parle depuis des années et on fait des révisions de la Constitution depuis années. Mais, plus étrange, on ne parle pas de la manière avec laquelle cela a été fait et le but de cette révision. Les Etats-Unis d’Amérique ont une Constitution qui n’a pas changé depuis un siècle et demi. Nous, en 45 années d’indépendance, nous l’avons changée à plusieurs reprises et de quelle manière ! Chez nous, nous changeons la Constitution en deux minutes. Pour vous, c’est l’événement, pour moi non. En tout cas ce n’est pas un événement réjouissant. Nous continuons à fuir l’instauration de l’Etat de droit. L’Etat de droit, c’est le respect de la loi. Il faut bien ouvrir les yeux, ne pas se mentir à soi-même. Dans la vie de tous les jours, aussi bien sur le plan économique que sur le plan politique, nous vivons une situation caractérisée par le non-respect du droit. Malheureusement, la société est nécessairement façonnée par ses institutions. A partir du moment où ceux qui sont chargés de faire la loi et qui ont la responsabilité de veiller à son application ne le font pas, ce sont tous les éléments de la société, collectif ou individu, qui disent : puisque là-haut on ne respecte pas la loi, pourquoi nous, devons-nous la respecter ? On entre dans une espèce de jungle, ce qui est exactement le contraire de la société civilisée qui, elle, est mue par des règles du jeu que tout le monde respecte. Cela dit, on a des problèmes, tous les pays et toutes sociétés en ont. Cependant, ce qui devrait nous empêcher de dormir, c’est la non-solution de ces problèmes. Ces derniers ne nous viennent pas d’une mauvaise Constitution. Est-ce que franchement, c’est la Loi fondamentale qui empêche de dormir les Algériens ? Ce qui les préoccupe, ce qui les stresse, ce n’est pas cette Constitution. Alors, on imagine bien qu’elle a été changée pour un instaurer le troisième mandat. Vous avez dit que le jeu va être fermé lors des prochaines élections. Etait-il ouvert avec l’ancienne Constitution ? Etait-il ouvert en 2004 ? En 1999 ?

- C’est différent. Cette fois, il y a le fait d’instaurer la non-limitation des mandats qui remet en cause l’alternance…

- Je vous rappelle qu’on ne s’est pas gêné, il y a quatre ans et demi ou il y a neuf ans et demi de désigner un Président ? Les élections n’étaient qu’une parodie électorale. On sait très bien qu’en 1999, le président a été désigné, en 2004 également. Les élections sont devenues comme un rite, comme d’ailleurs lors des élections locales et législatives.

- Donc pour vous, il n’y a aucune brèche qui pourrait être exploitée pour une alternative autre que celle qui est proposée…

- Depuis des années, pas seulement à l’approche d’avril 2009, l’on s’accroche à cette question de savoir qui va être le prochain Président. Le Président est à peine en place qu’on pense déjà à celui qui le remplacera. Cela n’apporte rien de nouveau. Toutefois, on ne peut pas imaginer, dans un pays où la Constitution fixe les mandats présidentiels à deux seulement, qu’on change la loi fondamentale à la veille des élections présidentielles pour instaurer la non-limitation des mandats. Mais enfin, le pouvoir, le régime qui est en vigueur dans notre pays, a montré que quand il décide de quelque chose, il ne s’embarrasse pas de fioritures sur le plan du respect de la loi, puisqu’il n’arrête pas de violer la loi. Il faut dire les choses telles qu’elles sont. Puisqu’on parle de politique et d’élections, en effet, pourquoi des partis – je parle du mouvement Wafa et de l’Union des forces démocratiques (UFD) – sont-ils interdits de participer à la vie politique ? Pourtant, ce sont des partis parfaitement légaux et autorisés par la loi. Ils sont interdits parce que nous avons un régime qui ne respecte pas la loi. Le fait qu’il ne la respecte pas une fois de plus n’est pas un élément nouveau. Pour me résumer, le changement de la Constitution s’est opéré en deux minutes, comme d’ailleurs cela a été fait pour la langue nationale, tamazight. Cela s’est fait en deux minutes. Qu’est-ce que cela a changé sur le plan de la promotion de la langue amazighe ? Cela décrédibilise davantage l’idée de changer la Constitution, qui est quand même à la base de tout le reste. Qu’est-ce qui a fait le succès des Etats-Unis d’Amérique ? L’origine de ce succès n’est pas technologique, ni commercial, ni encore militaire. Vous pouvez poser la question à n’importe quel Américain, il vous dira : nous sommes une Constitution. Et la Constitution américaine n’a pas été touchée depuis la déclaration d’indépendance, en 1776. Et personne ne peut y toucher, c’est sacré. Bien sûr, ce n’est pas le Coran, on peut changer, et comme c’est une loi fondamentale, on la change le moins souvent. On la révise parce qu’il y a nécessité de le faire, parce que la vie et le développement de la société, les problèmes de la société l’exigent. Nous, on la change à tout bout de champ. On a commencé par une Assemblée constituante au lendemain de l’indépendance qui, après le coup d’Etat de 1965, a été mise sous le boisseau ; ensuite il y a eu une nouvelle Constitution en 1976, elle a eu le mérite d’être claire, elle était venue pour instaurer la démocratie. Ouvertement, elle ne reconnaissait la séparation des pouvoirs. Il y a eu également le changement suite aux événements d’octobre 1988. Vint par la suite la révision de 1996 et puis les derniers amendements. Ces changements ont-ils apporté quelque chose de nouveau à notre aptitude à faire face à nos problèmes ? C’est pour cela que je dis que c’est une tempête dans un verre d’eau. Ils n’apportent pas quelque chose de nouveau à nos questions. Ils apportent une réponse à laquelle nous sommes accoutumés : un refus obstiné de s’engager résolument dans l’Etat de droit. Est-ce que le Président juge qu’il n’a pas assez de pouvoirs dans les précédentes Constitutions ? La Constitution algérienne est celle qui donne le plus de pouvoirs au Président, plus qu’à celui des Etats-Unis d’Amérique. Non seulement il n’a pas ses pouvoirs, mais il a en face un Parlement, un Congrès qui a des pouvoirs égaux aux siens. Chez nous, est-ce que le Parlement a les même pouvoirs que le Président ? Non.

- Tout le monde sait que la révision de la Constitution a pour but de faire sauter le verrou qui limite le nombre de mandats à deux dans la Constitution de 1996. L’objectif est le troisième mandat…

- Il y a un précédent. Si le nombre de mandats est constitutionnel, la durée du mandat l’est aussi. Zeroual ne l’a pas respectée. Sur le plan purement juridique, la décision du président Zeroual d’avancer l’élection présidentielle et de raccourcir son mandat est anticonstitutionnelle. Mais vaut mieux écorner la Loi fondamentale que de la changer de cette façon, car cela la décrédibilise davantage. Je ne commente même pas cette volonté d’avoir un troisième mandat. Personne ne peut s’y opposer puisque l’on a affaire à un pouvoir autoritaire qui refuse tout mouvement vers l’Etat de droit.

- Peut-on alors comprendre que vous éliminez toute éventualité de vous présenter ?

- Le problème pour l’Algérie n’est pas de savoir, y compris pour moi, si X ou Y va être candidat. Là n’est pas le problème du pays. Si nous étions dans une situation normale, s’il y a effectivement des élections, la question se poserait bien sûr. Le fait de changer le nombre de mandats, cela veut dire quoi ? Nous allons désigner un Président et les élections ne serviront que d’alibi. Les élections sont arrangées à l’avance. C’est un jeu qui ne m’intéresse pas et n’intéresse aucun Algérien. Si vous me demandez si j’approuve le fait qu’on change la Constitution pour qu’on maintienne en place le même Président, je vous répondrais que non. Candidat à quoi ? Il n’y a pas à être candidat. Les choses semblent être faites de sorte qu’il n’y ait pas d’autres candidats ou alors des candidats de complaisance.

- De nombreuses personnalités politiques ont adopté la même position : le rejet de la prochaine élection. Y a-t-il une possibilité de voir ces positions se rejoindre ?

- Quand on s’intéresse à la chose publique, l’on se demande d’abord ce qu’on peut faire ? Il faut se poser des questions, c’est une question de civisme. Mais que faire ? Il ne s’agit pas de tomber dans une situation où l’on fait quelque chose pour se mentir à soi-même ou donner aux autres l’impression qu’on fait quelque chose. La politique, c’est l’art du possible. Nous a-t-on demandé notre avis pour changer la Constitution ? Quels moyens avons-nous en main pour empêcher cela ? En d’autres termes, pourquoi j’ai créé un parti si ce n’est pour agir, quand on n’est pas au pouvoir, en allant vers la population pour lui faire reprendre espoir, lui parler de ses problèmes, lui montrer les solutions et songer à l’amener à croire de nouveau à la politique. Lorsque vous avez en face de vous un régime qui vous interdit et qui utilise tous les moyens, la force de l’Etat, la violence de l’Etat, les moyens financiers de l’Etat et la justice de l’Etat, que pouvez-vous faire ? La seule chose possible, c’est ce que nous sommes en train de faire : parler, et encore !, on ne peut le faire qu’à travers certains canaux ; la télévision et la radio nous sont interdites. A entendre ce que dit le gouvernement ou la loi, tout est parfait, il y a la liberté d’expression et il y a la liberté d’association. Pour l’application, c’est le contraire. C’est cela l’Algérie.

- Vous avez parlé, dans une déclaration à notre confrère El Khabar, d’un changement pacifique révolutionnaire. Qu’en est-il exactement ?

- Le contenu de l’article n’est pas aussi simple que le laisse entendre le titre. On m’a demandé, comme à vous, de me prononcer sur le changement. Ce n’est pas une question de personne. Une rumeur court ces jours-ci et elle focalise sur deux choses : tout va mal et c’est la faute de Bouteflika. J’ai dit que le problème n’est pas là. Dans cette affaire, le Président et le changement de la Constitution ne sont que l’arbre qui cache la forêt. A la question de savoir si je suis pour ou contre le changement, j’ai répondu : nous avons besoin d’une révolution tranquille. La révolution tranquille, c’est d’abord un changement de comportement du régime, qui ne nécessite pas de changement constitutionnel. Il suffit d’appliquer la loi, nous avons besoin d’une véritable révolution tranquille pour aller vers un Etat de droit. Nous avons besoin d’un très grand changement, le régime doit changer radicalement.

- Que pensez-vous en fait de la manière avec laquelle sont gérées les affaires du pays ces dernières années ?

- Pourquoi ne parle-t-on que maintenant de la manière d’agir du président ? On ne peut faire de bilan : les chiffres qui proviennent du gouvernement sont manifestement très loin de la réalité. On a entendu un membre du gouvernement dire que l’Algérie a moins de pauvres, que le seuil de pauvreté est inférieur en Algérie en comparaison aux Etats-Unis d’Amérique, que le chômage est à 11%. C’est un chiffre qui est démenti publiquement. On a même entendu dire qu’en Algérie il n’y a pas de chômage, que c’est les gens qui ne veulent pas travailler. Le gouvernement a-t-il déjà un programme pour pouvoir parler de bilan ? Chaque gouvernement passé a précisé que son programme est celui du président. Mais c’est quoi le programme du président ? où est-il ? Nous ne le connaissons pas. Il est vrai que les recettes pétrolières sont importantes, que les réserves ont augmenté, mais est-ce là le résultat d’une politique ? Ce sont des résultats de facteurs qui sont totalement étrangers à l’Algérie. Ce sont les prix du pétrole qui ont augmenté. Et en plus de cela, nous n’avons pas fait usage de cet argent. Nous sommes allés même jusqu’à rembourser de manière anticipée la dette extérieure, donnant l’illusion que nous sommes un pays excédentaire. Nous sommes un faux pays excédentaire. Ne comparons surtout pas l’Algérie au Koweït ou aux Emirats. Le Koweït représente uniquement 600 000 koweitiens, l’équivalent de trois arrondissements d’Alger. Tous les besoins fondamentaux des koweitiens sont largement satisfaits. Mieux, ils ont un million et demi de main-d’œuvre étrangère. Ce pays est effectivement excédentaire. L’excédent est, en fait, ce qui compte quand on a dépensé de ses revenus, ceux dont le pays a besoin pour se développer, ceux dont l’algérien a besoin pour créer de la richesse ou bien pour vivre. Quand nous aurons rempli toutes ces obligations, c’est à cette condition que nous pourrons parler d’excédent. Mettre les revenus du pétrole et les réserves de change dans le bilan, cela n’a pas de sens, car ce n’est pas le résultat d’une politique. C’est le résultat d’un phénomène extérieur ; les prix appliqués à une richesse qui n’a pas été créée par les algériens. L’argent dont dispose le pays n’est pas le signe d’un bilan positif. Au contraire, cela démontre que nous n’avons même pas de politique pour faire usage de cet argent, car s’il y avait un projet national, s’il y avait une politique, et je parle de secteur par secteur, de nos besoins, non seulement 100 ou 150 milliards de dollars ne seraient pas suffisants, mais nous serions obligés d’emprunter autant pour réaliser ce programme. Comme le fait que le plus grand emprunteur du monde sont les Etats-Unis d’Amérique.

- Vous êtes de ceux qui avancent qu’on n’aurait pas dû rembourser par anticipation la dette extérieure…

- C’est absurde, car l’Algérie, compte tenu de ses besoins, ne peut se permettre de se priver des moyens de financer ses besoins. Le gouvernement affiche l’idée qu’il a trop d’argent et il rembourse par anticipation. La dette a tellement été mal présentée que la rembourser signifie gagner son indépendance. C’est faux. Le fait de rembourser de façon anticipée un prêt contracté auprès d’une banque, c’est exactement comme si vous achetiez des chaussures chez quelqu’un et cinq jours plus tard vous lui dites je vous les rends. Le drame, cette situation, nous l’avons déjà vécue dans les années 1980. L’histoire se répète : ce qui se fait actuellement a des racines profondes dans la nature même du régime. Celui-ci n’a pas changé et ses méthodes non plus. Au début des années 1980, le pétrole est passé de 12 dollars à 41 ou 45 dollars. L’équivalent, aujourd’hui, d’à peu près 150 dollars. On s’est mis, en premier, à jeter de l’argent par les fenêtres en achetant des bananes, dans le cadre du fameux Plan anti-pénurie (pap). Et annoncé le remboursement des dettes, soi-disant laissées par Boumediène. Les dettes laissées par Boumediène sont parfaitement connues ; elles étaient évaluées à 16% et ce n’était pas une situation considérée comme catastrophique. Au moment de la crise à l’époque, le premier ministre disait qu’on n’était pas touchés, comme aujourd’hui. Au contraire, l’on disait que nous avons mieux fait que les Etats-Unis d’Amérique. C’est le même processus aujourd’hui. Les prix du pétrole ont augmenté et avec cette crise financière mondiale qui secoue non seulement les plus faibles, mais les plus grands de ce monde, on nous sert le même discours pour dire que cela ne nous touchera pas. C’est inexact : les riches seront un peu moins riches et les plus faibles touchés jusqu’à l’os. Notre pays est l’un de ces pays faibles. Toutes nos recettes proviennent de l’extérieur. C’est tout de même ahurissant d’entendre le ministre de l’Energie dire que nous serons épargnés par la crise et se démentir trois jours plus tard. Le fait que nos recettes se divisent par deux prouve que nous sommes frappés de plein fouet par la crise. Sans oublier les importations qui vont se renchérir. A titre d’exemple, les Etats-Unis ont un marché intérieur pour compenser, le nôtre est presque totalement dépendant de l’extérieur. On ne peut pas dire que l’Algérie est insensible à cette situation. On dépend à 97% de l’extérieur. C’est pour cette raison que l’Algérie ne fait pas partie des vingt pays les plus riches qui sont allés discuter des mesures à prendre pour faire face à la crise. Il y a eu l’Afrique du Sud, mais pas l’Algérie. Pourtant, le président lors de sa campagne de 1999, avait parlé du rétablissement de la place de l’Algérie sur la scène internationale. Il faut rappeler que quand la crise internationale est survenue en 1974, c’est l’Algérie qui a provoqué le sommet de l’ONU. Et quand l’assemblée onusienne avait décidé de créer le dialogue internationale et le rétablissement de l’ordre économique, l’Algérie était parmi 15 pays qui avaient discuté de l’issue de la crise. 30 ans plus tard, vous constatez que la place de l’Algérie a dégringolé sur la scène internationale. Et sa solidité économique a considérablement diminué.

- Pourquoi, à votre avis, avec la manne financière considérable dont elle dispose, l’Algérie n’a-t-elle pas pu relancer l’économie nationale (hors hydrocarbures) ?

- Si l’on n’a pas réussi, ce n’est certainement parce que nous n’avons pas les moyens financiers. Nous en avons. La relance économique, ce n’est pas la rénovation des trottoirs. Bien que ce soit important. La relance économique, c’est d’abord comment renforcer les entreprises, comment créer des entreprises algériennes par milliers, pour qu’elles apprennent à fabriquer avec des mains algériennes, avec un savoir-faire algérien, pour augmenter la richesse. C’est le seul moyen. Nous n’avons pas pu parce que nous n’avons pas la volonté politique de le faire. Pourquoi nous n’avons-nous pas la volonté politique de le faire ? Parce que notre pays, depuis des années – pas seulement depuis l’arrivée de Bouteflika – a connu un dévoiement total de la fonction politique. La raison d’être du pouvoir politique, c’est de s’occuper des problèmes des gens. Il faut que nous exportions du pétrole pour aller plus vite que les autres. Nous sommes le seul pays dont le budget de l’Etat est financé par le pétrole. Même la pomme de terre est financée par le pétrole. C’est un non-sens sur le plan de l’éthique. Il faut trouver une source pérenne de création de richesses. Le gouvernement n’est pas prévoyant. Le politique, chez nous, est trop occupé par le pouvoir politique. La gestion du pouvoir politique est une fin en soi. Il est normal qu’un homme politique consacre un temps à la gestion du pouvoir, mais pas tout le temps. Vous vous rendez compte des problème de l’Algérie ? On dit qu’on a basculé dans l’économie de marché. Nous ne sommes pas dans l’économie de marché. Où sont les entreprises qui ont été créées ? Il y a des milliers de jeunes qui ont tenté de le faire, mais ils se trouvent face à des murs… Connaissez-vous un entrepreneur heureux ? Beaucoup ont essayé, mais la plupart ont échoué. Nous devrions voir se créer dans ce pays 1000 entreprises par jour. Nous sommes dans une situation unique au monde : les pays les plus riches en pétrole ne vivent pas uniquement de cette ressource, même l’Arabie Saoudite ; c’est un pays autonome sur le plan alimentaire, il n’y a qu’à voir le nombre d’autoroutes construites et celui de villes nouvelles aussi. Ce sont des villes à la Houston. Il y a une économie qui s’est formée en dehors du pétrole. Nous, nous continuerons à dépendre du pétrole parce que nous n’avons rien fait pour mobiliser les capacités créatrices de richesses des Algériens. Le gouvernement n’a pas de politique économique. Celui-ci ne fonctionne pas sur le long terme. Pour revenir au début, seules les institutions réelles, pérennes, permettent au pays de fonctionner sur le long terme, en dépassant les hommes.

- Si on suit votre raisonnement, un changement de régime serait une question de vie ou de mort pour le pays…

- Vous pouvez le répéter, le changement du régime est une question de vie ou de mort pour le pays. C’est vraiment une question de vie ou de mort. C’est dur à dire, mais c’est comme cela. Nous n’allons pas réinventer la roue. Quel est le pays qui a progressé, qui a réussi, dans le monde entier, autrement que sur la base des institutions qui dépassent les hommes ? Un fonctionnement sur la base de règles respectées par tout le monde, sur la base du droit. Dans le cas contraire, c’est la jungle.

Par Said Rabia

 

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